Des rhinocéros bien cachés

À l’instar du saola, animal quasi mythique, le rhinocéros de Java (Rhinoceros sondaicus) en danger critique d’extinction est rarement aperçu. Cela ne décourage pas pour autant les 16 membres des quatre unités de protection des rhinocéros (UPR). Parcourant chaque année des centaines de kilomètres à pied dans la densité de la jungle du Parc national d’Ujung Kulon (PNUK), ces équipes parviennent avec succès à protéger cet animal unique contre les braconniers. Pas un seul n’a été tué au cours de ce siècle. Bill Konstant, de l’IRF (Fondation internationale de protection du rhinocéros), et bénéficiaire de SOS, relate à quel point ces animaux sont difficiles à apercevoir.

 

Une unité de protection des rhinocéros (UPR) et Bill Konstant

On estime que le PNUK, dernier endroit de la planète à abriter le rhinocéros de Java, compte de 35 à 44 spécimens. Les quatre UPR consacrent environ 200 jours par an à arpenter la jungle à la recherche de braconniers, afin d’aider les responsables du parc national. En moyenne, ces UPR couvrent chaque année plus de 3 000 kilomètres – quasiment la distance entre Madrid et Moscou – pour n’apercevoir le rhinocéros de Java qu’à une ou deux reprises si elles ont de la chance. En fait, en 2011, aucun des membres des UPR n’a pu observer un seul rhinocéros au cours de leurs patrouilles. De manière incroyable, la même année, des pièges vidéo ont « capturé » 35 rhinocéros individuellement identifiables, dont quatre jeunes. Fait tout aussi important, Bill répète qu’aucun rhinocéros n’a été tué par des braconniers à Ujung Kulon au cours de ce siècle.

Malgré le manque chronique de contact visuel, les UPR savent que les rhinocéros sont bien là. Il serait impossible de passer à côté des signes. Les empreintes à trois doigts, presque aussi larges qu’une grande assiette, sont bien visibles le long des pistes forestières et sur les berges boueuses des rivières où ces animaux d’une tonne aiment se prélasser avant de s’en extirper. Un animal de cette taille, à l’image d’un tank militaire en mouvement, laisse également des couloirs visibles dans la végétation dense, ou bien déracine les petits arbres qui ont l’audace de produire des feuilles bien juteuses hors de portée de sa lèvre supérieure préhensile. Le régime alimentaire du rhinocéros, à savoir plusieurs kilos de matière végétale chaque jour, assure également le dépôt significatif d’excréments le long des pistes. Et son besoin de bain de boue lui impose de visiter régulièrement les mares boueuses.

En rassemblant tous ces signes, en prenant des mesures soigneuses et en analysant les résultats, il est possible d’obtenir une vue d’ensemble assez précise des déplacements des rhinocéros et de la manière dont ils utilisent la forêt. Bill explique que ces informations sont essentielles à la mise en œuvre d’une stratégie de conservation qui permettra d’assurer leur survie. Même si Bill et les UPR ne devaient jamais avoir l’occasion de revoir un de ces rhinocéros, savoir qu’ils sont là, en train de fouiller et de fureter en toute sécurité dans leur forêt à la recherche de nourriture, vaut la peine qu’on se batte pour eux.

 

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